Ly Quach, interview de pharmaciens inspirants !
Je m’appelle Ly, j’ai 34 ans et je suis diplômée de l’Université de Paris Sud (Paris XI), anciennement faculté de Chatenay-Malabry. J’ai commencé à exercer en officine dès la 2ème année de mes études de pharmacie. Depuis 2019, j’exerce dans de grandes structures pour être confrontée à un maximum de cas au comptoir et apprendre à utiliser plusieurs logiciels. Aujourd’hui, je suis adjointe en CDI et remplaçante pour 24/7 Services.
Qu’est-ce qui t’a motivée à te lancer dans cette démarche de reconnaissance de tes qualifications au Québec ?
Au bout de quelques années d’exercice, j’ai eu le sentiment de tourner en rond dans mes missions. J’avais besoin d’évoluer professionnellement. Je savais qu’une équivalence était possible car un étudiant de ma faculté l’avait obtenue dès la validation de son diplôme et est aujourd’hui installé à Montréal. Je me suis lancée dans cette démarche début 2023.
Quelles sont les principales difficultés que tu as rencontrées ?
C’est un véritable parcours du combattant pour trouver les bonnes informations. Les sources sont diverses et plus ou moins fiables : les groupes Facebook, les sociétés d’accompagnement, les prépas ECOS… Ce qu’on ne sait pas au début, c’est que cela va être long et coûteux. Il faut commencer par s’inscrire sur le site de l’OPQ (Ordre des Pharmaciens du Québec) pour faire valider sa demande de reconnaissance des qualifications professionnelles (ou reconnaissance de diplôme). Les frais d’évaluation de la demande sont d’environ 300 €, payables au moment du dépôt de la demande et non remboursables.
À la suite de la validation de reconnaissance de diplôme, l’OPQ t’envoie un formulaire à compléter qui doit être SIGNÉ et CERTIFIÉ par « un témoin acceptable ». La liste des témoins acceptés est disponible ici.
Ce formulaire doit être envoyé au BEPC (Bureau des Examinateurs en Pharmacie du Canada) à Toronto (adresse écrite sur le formulaire de l’OPQ). Il faut y joindre un chèque canadien obligatoirement en dollars canadiens (c’est là où c’est compliqué… si on habite toujours en France).
Puis, il faut choisir son option de mesures compensatoires.
Quelle option de mesures compensatoires as-tu choisie ?
J’ai choisi l’option B, celle qui demande la réussite d’un examen BEPC / ECOS, une formation d’appoint sur la législation et un stage. L’option A était trop longue pour moi : 16 mois de formation à l’Université de Montréal et seulement 30 places par an !
J’ai commencé par m’inscrire à la formation d’appoint sur la législation et le système de santé québécois (cours PHM 6510 : loi et système de soins) à l’Université de Montréal et je viens de la valider.
Peux-tu nous expliquer comment se déroule concrètement cette formation sur la législation et le système de santé québécois ?
C’est un cours en distanciel mais les places sont limitées et le coût d’inscription est d’environ 1 080 €. Il y a un livre à acheter obligatoirement : « Législation et système de soins ». Une nouvelle édition est publiée chaque année et il faut compter un achat de 160 € avec les taxes et les frais d’envoi en France.
On ne peut commencer à suivre le cours qu’après avoir assisté à la rencontre obligatoire avec le professeur. Vous recevez un lien pour participer à cette rencontre. La date est fixe et aucun retard n’est accepté. Si vous ne vous présentez pas à cette seule rencontre, vous ne pourrez pas assister aux cours et devrez vous inscrire à la session suivante. Le cours obligatoire pour la législation est uniquement en visio, donc pas besoin d’aller à Montréal pour y assister. Il ne faut pas se louper au niveau du décalage horaire.
Durant ce cours, le professeur présente le livre et ses différents chapitres. Il explique également comment se préparer pour l’examen final. Cela consiste principalement à lire les 1 200 pages et à en connaître la structure, sans connaître le contenu par cœur dans son intégralité. Durant l’examen, il faut être capable de chercher les informations dans les différents chapitres. La consigne est de ne pas écrire dans le livre et d’utiliser au maximum 30 post-it de dimensions spécifiques. L’utilisation des post-it est très importante car on peut y inscrire des mots clés qui facilitent la recherche. Il y a aussi des QCM en ligne à faire régulièrement qui donnent des points bonus pour la note finale. Il y a 3 sessions d’examen : décembre, avril et août.
Attention, l’examen se déroule à Montréal donc il faut prévoir les coûts de transport si on n’est pas sur place. En cas d’échec à l’examen, on a droit à un rattrapage, appelé « une reprise », qui a lieu à la fin du trimestre suivant.
Comment se passe la préparation à l’examen ECOS ?
Cet examen est la partie II de l’examen d’aptitude du BEPC. Il faut donc commencer par créer son compte au BEPC et s’inscrire à l’examen ECOS. Prévoir un coût d’inscription de 1 270 €. Il y a deux sessions d’examen par an, en mai et en novembre, qui se déroulent à Montréal.
Il n’y a pas de cours, mais il existe des livres pour se préparer. Il faut notamment acheter le RxTx, l’équivalent du VIDAL québécois, sur le site https://www.pharmacists.ca. Pour y accéder en ligne, il faut payer 550 € par an.
L’épreuve consiste en des cas pratiques (grâce à l’accord France-Québec, les pharmaciens sont dispensés de l’épreuve des QCM). Les cas pratiques, ou simulations interactives, sont à réaliser en présentiel avec des « acteurs ». À chaque simulation, on nous demande de choisir la meilleure option thérapeutique possible et de justifier notre choix. Il faut bien s’entraîner à l’oral car c’est aussi une épreuve de communication et d’empathie qui compte pour un tiers des points de chaque cas pratique.
Il ne faut pas connaître les mécanismes de tous les médicaments par cœur, par contre il faut absolument maîtriser la trame d’entretien. Les protocoles de l’INESS sont d’une aide précieuse pour résoudre certains cas complexes. Même si certaines vidéos durent 1 heure, il faut les regarder pour connaître la démarche de résolution d’un cas clinique au Québec.
J’ai échoué une fois à l’examen ECOS. Je suis inscrite à la prochaine session de novembre 2024. On a droit à quatre tentatives au total.
Peut-on se préparer à ces examens tout en ayant une activité salariée à temps plein ?
C’est vrai que c’est un parcours qui nécessite une véritable volonté de la part des candidats. Cela demande beaucoup de temps, de travail, d’investissement financier aussi. Mais oui, certains ont bien réussi en travaillant à temps plein. C’est sûr qu’il est plus simple d’être à temps partiel pour préparer tous ces examens ou de ne pas travailler à côté pendant les périodes de révisions. Cela dépend de nombreux facteurs : la capacité de chacun à réviser et mémoriser les informations, les moyens financiers (bourse ou soutien financier de vos proches), vos obligations personnelles.
Peut-on réussir en se préparant seul à ces épreuves ou faut-il être encadré ?
C’est comme à la faculté. Certains réussissent avec de l’aide et d’autres n’en ont pas besoin. Je ne peux pas répondre clairement à cette question car nous n’avons pas forcément les mêmes plannings, les mêmes obligations et les mêmes facultés intellectuelles. De plus, cet examen se fait plus ou moins à l’aveugle à part savoir qu’il faut réviser sur le VIDAL canadien.
Pour ma part, je suis prête à aller au bout du parcours car le rôle du pharmacien est vraiment valorisant au Québec et la prise en charge du patient peut se faire de A à Z.
Avec ton expérience, es-tu tenue de réaliser le stage ?
Le stage est obligatoire après la validation des examens de législation et du BEPC. Ce stage est de 600 heures qu’il est possible de faire en 4 à 6 mois. Le titulaire peut condenser le planning pour finir le stage au plus vite. À la fin du stage, il y a un compte rendu très spécifique à envoyer à l’OPQ où il faut détailler 10 cas cliniques ou plus durant ce stage (des cas faciles et des cas complexes - le titulaire ou les adjoints aident à choisir ces cas en général). Une fois validé ce compte rendu, vous êtes officiellement « pharmacien officinal au Québec ».
Les étudiants en stage ont une rémunération de l’ordre de 30 Dollars canadien / heures. Mais étant donné le contexte et les frais engagés pour venir, tout est négociable avec le titulaire qui prend en charge les démarches de vous prendre en tant que « stagiaire » car il a besoin d’un pharmacien opérationnel rapidement. Il faut bien avoir un minimum pour payer son loyer et sa nourriture en étant sur place…
As-tu des astuces à partager avec nos futurs candidats ?
- Achetez le livre sur la législation en avance car il peut être rapidement en rupture de stock.
- Anticipez vos inscriptions aux examens (et les frais qui les accompagnent) 3 ou 4 mois à l’avance.
- Prévoyez 15 jours minimum de délais postaux pour l’envoi des dossiers à partir de la France.
- Identifiez un contact sur place qui pourra émettre un chèque Canadien à joindre au formulaire envoyé au BEPC.
- Profitez des opportunités d’échanges qui vous sont offertes avec ERASMUS en 3ème et 4ème année. Vous pouvez aussi réaliser vos trois mois de stage de 6ème année au Québec. C’est une super occasion de découvrir le pays et la pratique officinale sur place.
Nous remercions chaleureusement Ly Quach pour avoir partagé son parcours et ses précieux conseils pour tous les pharmaciens qui envisagent de suivre une voie similaire au Québec.
Bonne chance, Ly, pour ton prochain examen du BEPC ! On espère te voir bientôt officiellement reconnue comme pharmacienne au Québec.